Exit la guerre froide, place à la « guerre hybride » : la Russie a adopté vendredi une nouvelle doctrine de politique étrangère désignant l’Occident comme une « menace existentielle » et dont Moscou doit combattre la « domination ».
L’adoption de cette nouvelle stratégie entérine la profonde rupture qui existe entre la Russie et les pays occidentaux depuis le début de l’assaut contre l’Ukraine, qui a conduit l’OTAN à se consolider et Moscou à se tourner vers la Chine.
Dans un document de plus de 40 pages rappelant par son contenu et son langage l’ère de la confrontation entre l’Union soviétique et l’Amérique au siècle dernier, la Russie se pose en rempart du monde russophone face aux Occidentaux accusés de vouloir l’« affaiblir par tous les moyens ».
Lors d’une réunion de son Conseil de sécurité nationale, le président Vladimir Poutine a justifié ces changements par les « bouleversements sur la scène internationale » qui obligent la Russie à « adapter ses documents de planification stratégique ».
La nouvelle doctrine relève « la nature existentielle des menaces […] créées par les actions des pays inamicaux » et désigne les États-Unis comme « l’instigateur principal et le chef d’orchestre de la ligne antirusse », a résumé le chef de la diplomatie russe, Sergueï Lavrov.
« De façon générale, la politique de l’Occident visant à affaiblir la Russie par tous les moyens est caractérisée comme une guerre hybride d’un nouveau genre », a-t-il ajouté.
La doctrine de politique étrangère définit les priorités que les pays se donnent dans les affaires internationales, et de voir la manière dont les États en question perçoivent leurs rapports avec le monde.
En l’occurrence, le nouveau document, qui remplace une version datant de 2016 et a été publié sur le site du Kremlin, va droit au but.
« La Russie entend accorder une attention prioritaire à l’élimination des vestiges de la domination des États-Unis et d’autres États hostiles dans les affaires mondiales », est-il écrit.
Pivot vers l’Asie
Washington et ses alliés ont mis en place de lourdes sanctions économiques contre Moscou, qui les accuse en retour de lui livrer une guerre par procuration en Ukraine, en livrant notamment des armes à Kiev.
Dans ce contexte d’isolement en Occident, la Russie cherche à se rapprocher économiquement et diplomatiquement de l’Asie, notamment de la Chine, une priorité vitale qui se reflète dans la nouvelle doctrine.
« L’approfondissement global des liens et de la coordination avec les centres mondiaux de pouvoir et de développement souverains amis situés sur le continent eurasien revêt une importance particulière », peut-on lire dans ce document, au chapitre consacré à la Chine et à l’Inde.
M. Poutine avait affiché sa complicité avec son homologue chinois Xi Jinping lors d’un sommet à Moscou plus tôt en mars, vantant la « nature spéciale » des relations entre leurs pays, qui semblent néanmoins de plus en plus déséquilibrées en faveur de Pékin, tant la dépendance de Moscou grandit.
La nouvelle doctrine russe accorde aussi une place importante aux relations avec les pays africains, alors que Moscou renforce sa présence en Afrique notamment par l’intermédiaire du groupe paramilitaire Wagner.
En écho au conflit en Ukraine où Moscou affirme vouloir empêcher des exactions contre les populations russophones, le nouveau document présente la Russie comme une « civilisation » ralliant les peuples qui constituent « le monde russe ».
Alors que M. Poutine se présente comme le champion des « valeurs traditionnelles » de l’Église orthodoxe face à un Occident présenté comme décadent, la nouvelle doctrine porte aussi le fer dans le domaine moral.
Il faut « neutraliser les tentatives d’imposer des principes idéologiques pseudo-humanistes et néolibéraux, qui conduisent à la perte de la spiritualité traditionnelle et des principes moraux », peut-on ainsi lire.
Source: Le Devoir avec Agence France-Presse