Interrogé à la mi-journée au France Bleu au lendemain de l’annonce du décès d’Yvan Colonna, condamné à la perpétuité pour l’assassinat du préfet Erignac, Emmanuel Macron a lancé un appel au « calme et à la responsabilité », après plusieurs jours de heurts en Corse.
Le président de la République a ensuite salué l’action de son ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin, qui s’est dernièrement rendu sur l’île, et des élus locaux dans les discussions mises en place.
Concernant l’affaire de l’agression de l’agression de Colonna en prison début mars, Macron a par ailleurs assuré que des « conséquences » seront « tirées ». En peu plus tôt ce mardi matin sur Europe 1, le porte-parole du gouvernement Gabriel Attal avait lui aussi appelé « au calme et au dialogue » en Corse. Avant de concéder : « Manifestement, il y a un dysfonctionnement très grave. Nous attendons le retour de cette inspection qui doit faire la lumière (…), on en tirera toutes les conséquences ».
« Chacun sait les raisons qui ont conduit Yvan Colonna en prison, l’assassinat de sang-froid du préfet Erignac, mais les circonstances dramatiques dans lesquelles il a été tué sont évidemment très choquantes », a souligné Gabriel Attal, adressant ses condoléances à sa famille.
« Etat français assassin »
L’annonce de ce décès n’a pas bouleversé le calme sur l’île de Beauté lundi soir. À Bastia, seules quelques dizaines de personnes se sont réunies devant les grilles du palais de justice, où elles ont accroché deux banderoles frappées du slogan « Statu francese assassinu » (NDLR : « Etat français assassin »). Un autre rassemblement avait lieu à Ajaccio, devant la cathédrale, dans le silence. Sur les réseaux sociaux toutefois, nombre de Corses partagent des photos du détenu décédé, ainsi que des messages de soutien à la famille.
Le seul message de colère est venu de l’association de défense des prisonniers politiques corses, Sulidarita, qui, via sa secrétaire générale, a twitté : « Malheur à cet Etat français assassin ». Selon France Info, des blocages de lycées, notamment à Bastia, commençaient ce mardi matin.
L’opposition réclame des explications sur les circonstances
« Le gouvernement doit s’expliquer » sur les « très nombreuses questions » posées par « les circonstances » de l’agression, a exhorté dans un communiqué la candidate RN Marine Le Pen. Après l’agression, une inspection a été diligentée, une information judiciaire ouverte et des auditions parlementaires prévues, dont celle de Marc Ollier, chef d’établissement de la Maison centrale d’Arles.
La candidate de droite à la présidentielle Valérie Pécresse a déploré de son côté « un drame » à l’annonce de la mort d’Yvan Colonna, appelant « à ne pas embraser la Corse ». Interrogé sur BFMTV, l’ancien Premier ministre Manuel Valls a également appelé à ce que la lumière soit faite sur ce drame, tout en réfutant les comparaisons dressées entre Samuel Paty et Yvan Colonna. « Un préfet (NDLR : le préfet Erignac) et un enseignant pour moi ce sont des figures de la République. (… ) Les grandes figures républicaines contemporaines, ce sont Charlie, les anonymes assassinés, Claude Erignac, Samuel Paty, c’est ça la France. »
A gauche, le sénateur PS Patrick Kanner, directeur adjoint de campagne de la socialiste Anne Hidalgo, souhaite également que l’Etat « clarifie dans les meilleurs délais » les circonstances de l’agression. « Appel au calme » également de l’écologiste Yannick Jadot, qui pointe encore du doigt la « responsabilité » d’Emmanuel Macron pour avoir laissé « traîner » les discussions.
Un vent de colère en Corse
Yvan Colonna, 61 ans, à qui la justice avait accordé une suspension de peine « pour motif médical » jeudi, se trouvait entre la vie et la mort depuis sa violente agression début mars à la maison centrale d’Arles (Bouches-du-Rhône), où il purgeait sa peine pour la participation à l’assassinat du préfet Claude Erignac en 1998 à Ajaccio. Il avait été très grièvement blessé par un codétenu radicalisé, un Camerounais de 36 ans présenté comme un « djihadiste » qui s’était acharné sur lui dans la salle de sport de la prison.
Franck Elong Abé, qui purgeait plusieurs peines, dont une de neuf ans d’emprisonnement pour « association de malfaiteurs terroriste », a ensuite été mis en examen pour tentative d’assassinat terroriste. Il a justifié son acte par le fait que le militant corse aurait blasphémé et « mal parlé du Prophète ». Le parquet national antiterroriste (Pnat) a requis ce mardi une requalification de la mise en examen l’agresseur en « assassinat en relation avec une entreprise terroriste ».
Cette agression avait provoqué une explosion de colère en Corse, avec des manifestations parfois violentes à travers toute l’île, et ce pendant près de deux semaines, derrière ce mot d’ordre largement partagé d’ « État français assassin ». Ces tensions s’étaient transformées en émeutes le 13 mars à Bastia, où une manifestation avait fait 102 blessés, dont 77 du côté des forces de l’ordre.
Par Le Parisien avec AFP