Le Conseil de sécurité a, ce matin, décidé de reconduire jusqu’au 31 mai 2023 l’embargo sur les armes imposé au Soudan du Sud depuis 2018, ainsi que les sanctions ciblées que sont l’interdiction de voyager et le gel des avoirs, décrétées en 2015.
Aux termes de la résolution 2633 (2022), présentée par les États-Unis, et adoptée par 10 voix pour et 5 abstentions (Chine, Fédération de Russie, Gabon, Kenya, Inde), le Conseil se déclare de nouveau prêt à réexaminer ces mesures d’embargo sur les armes, « s’il convient de les modifier, de les suspendre ou de les lever progressivement », à la lumière des progrès accomplis par les autorités sud-soudanaises dans plusieurs domaines.
Le Secrétaire général est instamment prié, à cet égard, de procéder, au plus tard le 15 avril 2023, à une évaluation desdits progrès, qui concernent la bonne exécution par le Gouvernement provisoire d’union nationale revitalisé de « l’examen stratégique de défense et de sécurité » figurant dans l’Accord revitalisé. En outre, il est attendu des autorités sud-soudanaises la constitution d’une « structure de commandement unifiée » concernant les Forces unifiées nécessaires et la création du processus de désarmement, de démobilisation et de réintégration.
Par cette résolution, le Conseil a décidé que l’embargo sur les armes ne concerne pas la fourniture, la vente ou le transfert de matériel militaire « non létal », uniquement à l’appui de la mise en œuvre des dispositions de l’accord de paix.
Le Conseil proroge aussi, jusqu’au 1er juillet 2023, le mandat du Groupe d’experts, qui appuie le Comité des sanctions créé par la résolution 2206 (2015), et auquel il demande de lui présenter un rapport d’activités le 1er décembre 2021 et un rapport final le 1er mai 2022 au plus tard, ainsi qu’un point de la situation tous les mois.
Le Soudan du Sud a regretté cette adoption, qui ne sera pas selon son représentant en mesure d’atteindre ses objectifs, mais pourrait bien accroître la misère économique que connaît le peuple de son pays. Jugeant cet embargo « contre-productif », il a déclaré que des « mesures punitives » ne sont pas l’outil adapté pour réaliser l’Accord revitalisé. Ce dont nous avons besoin, a-t-il dit, c’est que la communauté internationale fournisse un soutien matériel supplémentaire.
Le Kenya a abondé en ce sens, en se félicitant toutefois que les armements non létaux soient pour la première fois exclus du champ de l’embargo. Reste que pour lui, la résolution se trouve en deçà de l’engagement du Conseil de sécurité de lever peu à peu l’embargo et les sanctions ciblées, d’autant que le Soudan du Sud a selon lui progressé dans la mise en œuvre de l’Accord revitalisé. Même son de cloche du côté de l’Inde, qui a rappelé que le Soudan du Sud, jeune nation issue d’une guerre civile et confrontée à de nombreux problèmes sécuritaires, économiques et de développement, a fait des progrès significatifs qui sont mis en exergue dans le dernier rapport en date du Secrétaire général. Un sentiment repris à son compte par la Chine.
« Plus jeune État au monde, le Soudan du Sud été mis sous sanctions quatre ans seulement après sa naissance », « avec une efficacité qui est très en deçà de nos attentes », a remarqué de son côté le Gabon. Il s’est déclaré persuadé qu’à ce stade, ces mesures sont contre-productives au regard des efforts fournis ces dernières années par le peuple et le Gouvernement du Soudan du Sud. Il est essentiel, selon ce pays, de donner aux forces armées sud-soudanaises les moyens de s’acquitter plus efficacement de leur mandat constitutionnel de défense de l’intégrité territoriale de leur pays.
Pour la Fédération de Russie, les sanctions doivent par principe être fondées et nuancées, « pour servir le processus de paix et non se traduire par une punition ». Celles qu’impose cette résolution ne correspondent pas selon elle aux réalités de terrain et ne tiennent pas compte des efforts réalisés par Djouba pour mettre en œuvre la résolution 2577 du Conseil de sécurité. La délégation russe a exhorté le Conseil de sécurité à appuyer les forces armées de ce « jeune pays », avant de regretter une démarche qui sert selon elle les intérêts particuliers de Washington aux dépens de ceux de Djouba et des pays de la région.
La Chine a pour sa part regretté que la délégation porte-plume, dont la mission est d’aider le Conseil à élaborer un texte consensuel, ne se soit pas acquittée de cette responsabilité et n’ait pas fait preuve de la « justesse » et de l’« ouverture d’esprit » nécessaire. D’autres membres, notamment ceux du continent africain, ont rompu le processus d’approbation tacite, mais les États-Unis ont néanmoins souhaité qu’un vote ait lieu sur un texte ne bénéficiant pas du consensus, raison qui a poussé la délégation chinoise à s’abstenir.
Le Ghana a au contraire salué la volonté de dialogue et de coopération de tous les membres du Conseil de sécurité à propos de cette résolution, se disant d’avis que ce texte aide à contribuer à la stabilité dont ont tant besoin les dirigeants du Soudan du Sud pour sortir de la phase délicate de mise en œuvre de l’Accord revitalisé de paix, à condition que la communauté internationale les accompagne dans cette transition.