Le président Kassym-Jomart Tokaïev a limogé mercredi 5 janvier son gouvernement et a décrété l'état d'urgence, en réponse aux manifestations ayant éclaté dans plusieurs villes de ce pays autoritaire d'Asie centrale, des troubles liés à une hausse des prix du gaz.
Ces protestations, dont celles de plusieurs milliers de personnes dispersées à coups de grenades assourdissantes et de gaz lacrymogène dans la nuit de mardi à mercredi par la police à Almaty, la capitale économique, sont rares au Kazakhstan.
Le ministère de l'Intérieur a rapporté que plus de 200 manifestants ont été arrêtés pour des « violations à l'ordre public » et 95 policiers, blessés. Les protestataires « se sont laissés aller à des provocations » en bloquant les routes et la circulation et en « troublant l'ordre public », a justifié le ministère dans un communiqué.
Plus tôt, dans la nuit de mardi à mercredi, le président Kassym-Jomart Tokaïev a accepté la démission du gouvernement. Le vice-Premier ministre Alikhan Smailov assumera le rôle du Premier ministre par intérim jusqu'à la formation d'un nouveau cabinet. L'état d'urgence a également été décrété jusqu'au 19 janvier dans les régions de Mangystau, où les manifestations ont commencé, et d'Almaty, où un couvre-feu nocturne sera en vigueur de 23 heures à 7 heures locales.
Quelques heures plus tôt, Kassym-Jomart Tokaïev s’était adressé à la population dans une vidéo diffusée sur Facebook en appelant au retour au calme. « Nous n’avons pas besoin de conflit », a-t-il dit, après avoir mis en garde auparavant les protestataires contre toute « provocation ».
« Le vieillard dehors ! »
Le mouvement de colère a débuté dimanche après une hausse des prix du gaz naturel liquéfié (GNL) dans la ville de Janaozen, dans l’ouest du pays, avant de s’étendre à la grande ville régionale d’Aktau, sur les bords de la mer Caspienne, puis à Almaty.
Le gouvernement avait dans un premier temps tenté de calmer, sans succès, les protestataires en concédant une réduction du prix du GNL, le fixant à 50 tenges (0,1 euro) le litre dans la région, contre 120 au début de l’année. À Almaty, des journalistes de l’AFP ont vu la police disperser dans la nuit de mardi à mercredi une foule de 5 000 personnes à coups de grenades assourdissantes et de gaz lacrymogène.
Les protestataires, dont certains ont attaqué des véhicules, scandaient des slogans antigouvernementaux comme « Gouvernement démission ! » et « Le vieillard dehors ! », en référence à l’ancien président Noursoultan Nazarbaïev, mentor du dirigeant actuel et encore très influent. Les messageries populaires WhatsApp, Telegram et Signal étaient indisponibles mercredi au Kazakhstan, tandis que les sites de deux médias indépendants semblaient bloqués.
La télévision a par ailleurs rapporté mercredi l’arrestation du directeur d’une usine de traitement de gaz et d’un autre responsable dans la région de Mangystau, où se trouve Janaozen. Ils sont accusés d’avoir « augmenté le prix du gaz sans raison », ce qui a « entraîné des protestations massives dans tout le pays », selon cette source.
Le Kazakstan, première économie d’Asie centrale habituée par le passé à des taux de croissance à deux chiffres, souffre de la baisse des prix du pétrole et de la crise économique en Russie, qui a mené à la dévaluation du tenge kazakh et à une forte inflation.
La région de Mangystau dépend du GNL comme principale source de carburant pour les voitures et toute augmentation de son prix entraîne celle des produits alimentaires, déjà à la hausse depuis le début de la pandémie de coronavirus.
AFP avec Le Point