Le journaliste russe, rédacteur en chef de « Novaïa Gazeta » et colauréat du prix Nobel de la paix 2021, va reverser la somme récoltée à l’Unicef, au profit des enfants ukrainiens.
Quelque 103,5 millions de dollars (98,2 millions d’euros). C’est la somme record déboursée par un acheteur, lundi 20 juin, pour s’adjuger la médaille du Prix Nobel de la paix 2021, Dmitri Mouratov, mise aux enchères à New York.
Début juin, le journaliste russe, infatigable rédacteur en chef de Novaïa Gazeta, avait annoncé son intention de se séparer de sa récompense pour venir en aide aux enfants victimes de la guerre en Ukraine. Présent dans la salle du Times Center, à Manhattan, où se tenait l’événement, ce dernier aura sans doute été le premier surpris de voir la vente, également organisée en ligne par la société américaine Heritage Auctions, s’emballer une vingtaine de minutes après avoir commencé.
Alors que les enchères avaient déjà grimpé à plus de 16 millions de dollars, l’acquéreur, qui a souhaité rester anonyme, a mis fin au suspense en proposant, au téléphone, 103,5 millions de dollars. Il aura fallu faire répéter, à la tribune, le chiffre pour être sûr d’avoir bien entendu. De quoi pulvériser le précédent record, établi en 2014 par le généticien américain James Watson, lauréat du prix Nobel de médecine en 1962, qui s’était séparé de sa médaille pour 4,8 millions de dollars. La somme récoltée lundi est destinée à l’Unicef, qui évalue à 5,2 millions le nombre d’enfants ukrainiens ayant besoin d’une aide humanitaire.
Novaïa Gazeta, média indépendant cofondé par M. Mouratov en 1993, est célèbre pour ses enquêtes sur la corruption et les violations des droits humains en Russie. En 2021, ce travail, qui a coûté la vie à six de ses reporters dont Anna Politkovskaïa, assassinée en 2006, a valu à M. Mouratov le prix Nobel de la paix, partagé avec sa consœur philippine, Maria Ressa. Fin mars, quelques semaines après le début de l’offensive russe en Ukraine et à la suite du durcissement du Kremlin à l’encontre des voix dissonantes, Novaïa Gazeta a suspendu ses publications papier et numérique en Russie. Depuis, une partie de la rédaction a pris le chemin de l’exil et créé Novaïa Gazeta. Europe. En mai, M. Mouratov a également été distingué par le magazine Time, qui l’a classé parmi les 100 personnalités les plus influentes de 2022.
M. Mouratov dit s’être inspiré du physicien danois Niels Bohr, qui a cédé sa médaille en 1940 pour aider l’effort de guerre finlandais après l’invasion soviétique. Dans une vidéo mise en ligne, lundi, sur YouTube, le journaliste, qui avait déjà annoncé faire don des 500 000 dollars accompagnant la récompense, a expliqué ne s’être « jamais senti aussi impuissant » que depuis le début du conflit en Ukraine. « Au sein de la rédaction de Novaïa Gazeta (…), nous avons compris que pour aider les victimes de cette guerre, nous pouvons et nous devons donner ce qui est le plus précieux et le plus important pour nous, souligne-t-il, en appelant à le suivre dans sa démarche. Tout le monde possède un objet auquel nous tenons. Heritage Auctions vous aidera à les vendre (…) afin d’aider les réfugiés et les enfants touchés par les hostilités en Ukraine. »
Par Le Monde avec Raphaëlle Besse Desmoulières