Kaboul (La Presse) L’Afghanistan est au seuil d’une des pires crises humanitaires au monde, car plus de la moitié de sa population sera cet hiver en situation d’insécurité alimentaire aiguë, ont averti lundi des agences de l’ONU.
Quelque 22,8 millions d’Afghans manqueront cruellement dans les prochains mois de nourriture, sous les effets combinés de la sècheresse causée par le réchauffement climatique et de la crise économique, aggravée par la prise de pouvoir des talibans en août.
« Cet hiver, des millions d’Afghans seront contraints de choisir entre migrer ou mourir de faim, à moins que nous ne puissions intensifier notre aide pour sauver des vies », a déclaré David Beasley, le directeur général du Programme alimentaire mondial (PAM), dans un communiqué publié conjointement avec l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO).
La crise alimentaire en Afghanistan est déjà plus grave que celles en Syrie ou au Yémen, et seule la République démocratique du Congo est dans une situation plus désespérée, ont indiqué à l’AFP des responsables onusiens.
« L’Afghanistan est maintenant parmi les pires catastrophes humanitaires au monde, si ce n’est la pire », a confirmé M. Beasley.
Plus de 50 % de la population afghane sera cet hiver aux niveaux 3 (crise alimentaire) et 4 (urgence alimentaire) de l’échelle internationale IPC.
Le stade 3 est caractérisé par une malnutrition aiguë grave ou inhabituelle, et le stade 4 par une malnutrition aiguë très élevée et une mortalité excessive. Le dernier stade (5) est celui de famine.
Il s’agit du chiffre le plus élevé depuis que l’ONU a commencé à analyser ces données en Afghanistan il y a dix ans.
« Survivre »
« Les gens qui avaient besoin de notre aide pour vivre en ont désormais besoin pour survivre », a détaillé à l’AFP la représentante adjointe du PAM à Kaboul, Hsiao-Wei Lee.
De l’huile, de la farine et des semences font partie, en parallèle de la distribution d’argent liquide, de l’aide d’urgence distribuée à travers le pays par le PAM et ses partenaires locaux, dit-elle.
« Si nous n’arrivons pas à les aider, ils vont basculer dans une situation de famine », a-t-elle alerté.
Selon le PAM, 37 % d’Afghans en plus ont basculé dans cette insécurité alimentaire aiguë par rapport à avril 2021. Parmi eux, 3,2 millions d’enfants de moins de cinq ans souffriront de malnutrition aiguë d’ici la fin de l’année.
L’Afghanistan est dévasté par plus de quatre décennies de conflit et souffre des conséquences du réchauffement climatique, source de sévères sécheresses en 2018 et 2021.
Son économie est au point mort depuis l’arrivée au pouvoir des talibans, qui a amené la communauté internationale à geler l’aide sur laquelle elle reposait très largement.
Dans l’ouest du pays, des milliers de familles ont déjà vendu ce qui restait de leurs troupeaux décimés par la sècheresse et gagné des camps de déplacés.
« Les champs sont détruits, les animaux n’ont rien à manger », a raconté à l’AFP Haji Jamal, un vieillard du district de Bala Murghab, dans la province de Badghis. « Ces deux dernières années, six personnes sont mortes de faim ».
200 m USD recherchés
Des familles vont jusqu’à marier leurs filles mineures contre de l’argent pour subsister, selon des témoignages recueillis par l’AFP.
« De l’aide humanitaire internationale est arrivée », a déclaré dimanche à l’AFP le porte-parole du gouvernement taliban, Zabihullah Mujahid.
« Nous essayons de l’organiser et de la distribuer. Cela inclut de la nourriture et des vêtements. Tous les problèmes seront résolus », a-t-il assuré, misant sur la possibilité d’un hiver moins sec cette année.
Très inquiètes à l’approche de l’hiver, les agences de l’ONU ont prévenu que leur réponse humanitaire serait affectée par le manque de ressources. Elles n’ont reçu pour l’heure que le tiers des fonds dont elles ont besoin.
La communauté internationale a promis des centaines de millions de dollars d’aide, mais cherche un mécanisme pour verser cet argent directement, sans passer par le gouvernement taliban.
La FAO a un besoin urgent de 11,4 millions de dollars (9,8 millions d’euros) et elle cherche 200 millions de dollars supplémentaires pour la saison agricole 2022.
« La faim augmente et les enfants meurent. Nous ne pouvons nourrir les gens avec des promesses. Les engagements financiers doivent se transformer en argent réel », a conclu M. Beasley.
Source La Presse.ca